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« La réflexion sur l’emploi doit se porter sur le taux d’activité des jeunes et des seniors » – Le Monde
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le 8 décembre 2022 par Jean-Hervé Lorenzi
L’économiste Jean-Hervé Lorenzi déplore, dans une tribune au « Monde », une réforme incomplète de l’assurance-chômage. Mettre le paquet sur la formation permettrait d’améliorer les perspectives de carrière et de remédier aux emplois non pourvus.
L’incitation à reprendre une activité professionnelle est à manier avec précaution, car on a toujours le sentiment d’accuser le chômeur de préférer sa situation à la reprise d’un emploi. Et pourtant en parler n’a rien de condamnable. De même, associer à la conjoncture les modalités d’indemnisation n’est pas une mauvaise idée. Ces deux bases de la réforme proposée au public sont donc légitimes.
Tout est une question de mesure et de mise en œuvre. Mais surtout, il faut que ces propositions soient associées à de vraies perspectives d’évolution de carrière pour chaque salarié, qu’il soit jeune ou vieux. Cela passe donc forcément par une rupture majeure dans les comportements. Former, former, former, telle doit être la nouvelle devise de la société française si elle veut rebondir.
Que l’on ne dise pas que le pays ne peut supporter les réformes et que si elles ont lieu, elles ne sont que d’une très faible utilité. Sans les quatre dernières grandes réformes des retraites mises en œuvre, il est vraisemblable que le poids de celles-ci dans le PIB serait de quatre points supérieur, ce qui évidemment poserait un problème générationnel majeur.
Problèmes majeurs tant sur l’offre que sur la demande de travail
Concernant le marché de l’emploi, les réformes engagées depuis 2017 ont à l’évidence joué un rôle dans la création de plus de 1,4 million d’emplois sur les cinq dernières années. Dans son étude publiée le 15 novembre, le groupe Adecco prévoit la création de près de 4,5 millions d’emplois en France sur les douze prochains mois, particulièrement dans des métiers dits « en tension », notamment la restauration et les services technico-commerciaux.
Dans le détail, 43 % des recrutements, soit près de deux millions, se feraient en CDI et 30 % en CDD. Le reste serait soit des contrats en intérim à temps plein, soit des stages et contrats d’apprentissage. Mais il ne s’agit que d’une prévision, certes prometteuse, mais en fait confrontée à des problèmes majeurs tant sur l’offre que sur la demande de travail.
La proposition du gouvernement ne porte que sur la modification des paramètres de prise en charge du chômage et cela est insuffisant, même si on peut partir de deux constats difficiles à refuser. Le premier est qu’une partie des demandeurs d’emploi n’accélèrent leurs recherches qu’en fin de période de droit. Le second est, qu’évidemment, les chômeurs doivent être d’autant mieux protégés si la conjoncture est défavorable et vice versa.
Examiner le taux d’activité des jeunes et des seniors
Cela n’a rien d’original puisque en effet, au Canada, l’inscription des demandeurs d’emploi ainsi que leur accès à des jours d’indemnisation dépendent du taux de chômage dans leur région de résidence. En France, une étude de l’Unedic, publiée en 2021, indiquait que ce modèle de calcul des indemnités faciliterait des retours à l’emploi bien plus rapides comme c’est le cas au Canada, où 40 % des demandeurs d’emploi ne restent au chômage que pendant un mois. Malheureusement, la situation en France n’est en rien celle-là.
Il nous faut bien comprendre le cœur du problème. Ce n’est pas le taux d’activité des 30-60 ans, qui est tout à fait comparable à celui des autres pays en Europe. C’est aux deux extrémités que des dysfonctionnements énormes surgissent. Ainsi, l’âge moyen d’entrée sur le marché du travail chez les jeunes est de 22 ans, ce qui est supérieur à plusieurs pays d’Europe. Quant aux plus de 60-65 ans, le taux d’activité est de moins de 36 %.
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En 2022, la réflexion sur l’emploi doit donc se porter sur le taux d’activité des jeunes et des seniors. Pour améliorer la situation, il nous faut répondre à deux questions : pourquoi les jeunes refusent-ils de larges pans de l’activité économique ? Et, pourquoi les seniors aspirent-ils à la retraite le plus tôt possible ? La réponse est largement entre les mains des entreprises et de l’Etat.
La formation tout au long de la vie est majeure
Ce sont bien les entreprises qui définissent la période d’activité moyenne des salariés et c’est bien l’Etat qui est chargé de la formation, depuis longtemps en décalage avec les besoins des entreprises et des individus. Tout le monde s’accorde effectivement à souligner deux difficultés. Notre formation initiale est très moyenne dans les classements internationaux, et notre formation continue abandonne toute ambition de maintenir les gens en emploi plus longtemps à partir de 50 ans.
Quant au phénomène des emplois non pourvus, sûrement supérieurs aux 373 100 évoqués, il est révélateur de ce qu’il reste à faire au-delà de l’évolution des paramètres. Il s’agit évidemment d’abord de créer de meilleures conditions de travail et de rémunération. Mais cela ne suffit pas. Il faut améliorer les perspectives de carrière.
Pour cela, la formation tout au long de la vie est majeure, à l’image du Danemark qui en permanence forme 32 % de sa population active et enregistre chaque année un taux de chômage figurant parmi les plus bas d’Europe. On le voit, la réforme suppose une mobilisation générale bien au-delà d’une simple modification de quelques paramètres.
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