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Natalité : « Sans décision politique, la France risque le déclin économique » – Le Point
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Le 19 janvier 2025 par Alain Villemeur
Natalité : « Sans décision politique, la France risque le déclin économique »
L’effondrement de la natalité pourrait avoir de lourdes conséquences sur l’économie française : croissance en berne, système de retraite mis à mal… Explications.
Réarmement démographique. » En janvier 2024, le président de la République, Emmanuel Macron, évoquait pour la première fois son concept nataliste, dans la foulée de la publication des chiffres de la démographie française en 2023 par l’Insee. L’indicateur conjoncturel de fécondité s’établissait alors à 1,68 enfant par femme.
Mardi 14 janvier, l’Insee a publié ses chiffres de la démographie française en 2024 et, sans grande surprise, la fécondité a encore reculé, atteignant 1,62 enfant par femme. Un chiffre au plus bas depuis la fin de la Première Guerre mondiale. En outre, le nombre de naissances se contracte (– 2,2 %), la mortalité augmente (+ 1,1 %) et la population vieillit (21,8 % des habitants ont au moins 65 ans, contre 16,3 % en 2005).
Une évolution démographique qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur l’avenir du pays si elle continue sur cette lancée. « Des incertitudes demeurent. Cette baisse de la fécondité va-t-elle continuer ou va-t-elle cesser ? Une chose est certaine : les femmes des jeunes générations font des enfants de plus en plus tard », assure Gilles Pison, démographe et conseiller de la direction de l’Institut national d’études démographiques (Ined).
Une probable diminution de la population active, non sans conséquence
Alain Villemeur est docteur en économie, ingénieur de l’École centrale de Paris et directeur scientifique de la chaire universitaire Transitions démographiques, transitions économiques (TDTE). Parlant sous le contrôle de Kevin Genna, économiste et responsable de la modélisation de la chaire, Alain Villemeur l’assure : « Pour nous, il est évident que si aucune décision politique n’est prise, la France risque le déclin économique. Il faut redresser cette natalité, sinon, nous sommes condamnés au ralentissement de la croissance économique, à la baisse du pouvoir d’achat, à la baisse des pensions de retraite… Ce débat est vital. Si notre taux de fécondité approchait ceux de l’Italie (1,2 en 2024) ou du Japon (1,2 en 2024), ce serait la stagnation économique assurée comme dans ces pays, sans oublier le découragement de la jeunesse, avec 2 millions de jeunes qui ont quitté l’Italie depuis les années 2000. »
Pour les deux économistes, le péril qui plane sur la France est grand. D’autant que les chiffres de la fécondité des moins de 34 ans baissent encore, « ce qui n’est pas réconfortant » selon Alain Villemeur. Au sein de la chaire universitaire, trois scenarii de l’évolution de la démographie française sont à l’étude : le premier – « déjà un peu dépassé », confesse Kevin Genna – imagine une France avec un indicateur conjoncturel de fécondité stable à 1,68, comme en 2023 ; le second suit une baisse continue de la fécondité de 1,68 à 1,3 en 2035 ; le troisième étudie la remontée du taux de fécondité à 2,05, comme en 2010. « Mais peu importe le scénario, la population active devrait diminuer à partir de 2035-2040 », soutient Kevin Genna.
Une possibilité confirmée par Gilles Pison, auteur de l’Atlas de la population mondiale (éditions Autrement) : « À court terme, la population active ne va pas diminuer, contrairement à un certain nombre de nos voisins européens. Mais à plus long terme, si les naissances continuent à diminuer, oui, la population active pourrait diminuer, si cette baisse n’est pas compensée par le solde migratoire. » Et cette baisse de la population active signifie, selon la chaire TDTE, un ralentissement de la croissance économique.
« En 2035-2040, la croissance ne devrait pas dépasser les 1 % »
« Quantifier le ralentissement futur du PIB est très compliqué. En estimant que les gains de productivité continuent d’augmenter de 0,8 % par an, sans changement majeur, la croissance pourrait rester positive mais ne devrait pas dépasser les 1 % » aux alentours de 2035-2040, selon Kevin Genna. Des chiffres à prendre avec des pincettes, car « nous ne sommes pas à l’abri d’un choc technologique, par exemple », affirme ce dernier. Pour mémoire, en 2023 et 2024 (selon les prévisions de Bercy), la croissance annuelle du PIB était de 0,9 % et de 1 %.
Et l’une des premières conséquences de la baisse du nombre d’actifs et de la possible faible croissance économique dans une dizaine d’années est la mise à mal du système de retraite, selon Alain Villemeur. « Les retraites sont un enjeu clé », lance-t-il. Pour le docteur en économie, le risque est une baisse significative des niveaux de pension des retraités. « C’est une totale remise en question du système social français », soutient Alain Villemeur.
L’emploi des séniors et des jeunes au cœur de la question ?
Ainsi, si le taux de fécondité ne rebondit pas, que le solde migratoire reste stable, comme l’espérance de vie, selon la chaire universitaire Transitions démographiques, transitions économiques (TDTE), pour sauvegarder notre système social à la française, pas le choix de davantage travailler.
« La question, selon nous, n’est pas tant de l’âge légal de départ à la retraite, mais plutôt des taux d’emploi des séniors et des jeunes, dit Alain Villemeur. Vous avez quasiment 2 millions de séniors qui pourraient travailler plus longtemps, comme dans tous les pays voisins, et du côté des jeunes, nous avons aujourd’hui en France, environ 1,5 million de personnes de moins de 29 ans qui n’ont pas d’emploi, ne font pas d’études et ne suivent pas de formation. » Soit presque 3,5 millions de personnes de plus qui pourraient cotiser.
Comme pays de comparaison, les experts se tournent vers l’Allemagne. Outre-Rhin, chez nos voisins allemands, le taux d’emploi des 55-64 ans est passé de 64 % à 73 % entre 2013 et 2022, contre 56,9 % en 2022 en France. Côtés jeunes, le taux de chômage des moins de 25 ans était en septembre 2024 de 17,7 % en France, contre 6,9 % en Allemagne. « Si nous avions les taux allemands d’emploi des séniors et des jeunes, une bonne partie des déficits français disparaîtraient », ajoute Alain Villemeur.
Des pistes pour relancer la natalité
La France peut tout de même compter sur son solde migratoire (différence entre le nombre de personnes qui sont entrées sur le territoire et le nombre de personnes qui en sont sorties) estimé à + 152 000 personnes en 2024, pour éviter de voir sa population active se contracter encore davantage dans les prochaines années, le scénario du solde naturel négatif – plus de décès que de naissances dans une année – se rapprochant.
Autres conséquences économiques à court terme de la baisse de la natalité : une diminution de certaines activités économiques et des dépenses d’éducation, par exemple. « Des enfants qui naissent, ce sont des parents qui achètent une voiture, un logement plus grand, etc. », explique Alain Villemeur.
La France peut tout de même compter sur son solde migratoire (différence entre le nombre de personnes qui sont entrées sur le territoire et le nombre de personnes qui en sont sorties) estimé à + 152 000 personnes en 2024, pour éviter de voir sa population active se contracter encore davantage dans les prochaines années, le scénario du solde naturel négatif – plus de décès que de naissances dans une année – se rapprochant.
Autres conséquences économiques à court terme de la baisse de la natalité : une diminution de certaines activités économiques et des dépenses d’éducation, par exemple. « Des enfants qui naissent, ce sont des parents qui achètent une voiture, un logement plus grand, etc. », explique Alain Villemeur.
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