Abroger ou amender la réforme des retraites ? – La tribune

Le 08 décembre 2024 par Jean-Hervé Lorenzi

« Abroger ou amender la réforme des retraites ? »

Qu’on l’abroge ou qu’on l’amende, cela importe peu… sauf sur le plan symbolique et politique. Car nul n’échappera au choc massif du vieillissement de la population ou au fait que cette réforme de 2023 a des « trous dans la raquette ». Pour bien comprendre le sujet, il faut intégrer six vérités. La première vérité, c’est que le choc du vieillissement est vraisemblablement le phénomène le plus important auquel sera confrontée la société française dans les prochaines années. La Chaire TDTE [transitions démographiques, transitions économiques] a calculé le surcoût annuel lié à l’augmentation du nombre de retraités et à la montée de la perte d’autonomie d’ici à 2030, c’est-à-dire demain. En l’absence de réforme ou de progrès médical, à partir de la prochaine décennie la France devra dépenser chaque année environ 50 milliards d’euros de plus qu’aujourd’hui pour la protection sociale. Il ne s’agit en rien d’affoler les uns et les autres, car tout problème a une solution, mais de se resituer dans un cadre quantifié et rigoureux.

La deuxième, si l’on veut traiter des problèmes de manière plus juste, c’est qu’il faut mettre l’accent sur les annuités, ce qui permet de prendre réellement en compte les différences majeures d’entrée sur le marché du travail. De la même manière, tous les critères de pénibilité des métiers doivent être un élément clé des conditions de départ à la retraite. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les grandes disparités d’espérance de vie entre les différentes

La troisième, c’est qu’il n’y a pas d’impossibilité de débattre de la réforme des retraites dans notre pays. Force est de constater qu’il y a eu quatre réformes des retraites, à commencer par celle de Balladur de 1993, suivie par celle de Touraine de 2014, qui n’avaient habilement porté que sur les annuités. Pour illustrer la possibilité du dialogue sur ces thèmes, il suffit de rappeler que la CFDT, premier syndicat français, était tout à fait prête à débattre de la réforme
portant sur un régime par points.

La quatrième, c’est que les petits revenus et les carrières hachées sont extrêmement mal pris en compte. Le minimum contributif ne s’élève mensuellement qu’à 684 euros pour une durée de cotisation de 20 annuités. Ce minimum contributif concerne beaucoup de femmes et ne paraît pas suffisant pour vivre dignement. Bien sûr, il existe le filet de sécurité de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), d’environ 1 012 euros mensuels, mais il est réservé notamment aux personnes de plus de 65 ans.

La cinquième, c’est que le taux d’emploi des seniors est de très loin le sujet le plus important alors qu’il demeure faible par rapport aux autres pays européens (58,4 % des 55-64 ans contre 73 % en Allemagne (https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/l-allemagne-en-crise-existentielle-1011828.html)). Il s’agirait de l’augmenter de 10 points pour générer davantage de richesses, notamment 2 points de PIB supplémentaires. La Chaire a aussi démontré que l’emploi des seniors ne se fait pas au détriment des jeunes, bien au contraire, ce qui incite à
accroître simultanément l’emploi des seniors et des jeunes. Cependant, l’augmentation de ce taux d’activité passe par une solution au triple rejet actuel d’une partie des salariés peu qualifiés qui cumulent une faible rémunération, le manque de reconnaissance et l’absence de perspective de carrière. Sur ce point, la Chaire TDTE avait notamment proposé la mise en œuvre d’un « congé réflexion carrière », autour de 50 ans, pour construire sa trajectoire de fin
de carrière.

un objectif de plus long terme car elle prendra évidemment du temps, compte tenu de la complexité du système de retraite actuel. Cependant, ce délai n’est pas réellement pénalisant car l’âge de départ à la retraite est déjà proche de 64 ans dans le privé. Cela fait maintenant dix ans que la Chaire TDTE travaille sur le système des retraites et son
financement. Nous étions favorables à une réforme par points mais c’est du passé.

Pour relever le défi actuel, nos nouvelles propositions sont les suivantes :

  • revenir à un âge légal de la retraite plus bas, éventuellement de 62 ans, pour décrisper le
    débat national et ainsi fonder l’avenir du système des retraites seulement sur les annuités ;
  • mettre en œuvre des incitations (surcote, décote, retraite progressive, cumul emploi-retraite,
    etc.) pour augmenter le taux d’emploi des seniors ;
  • remettre sur la table de discussion la question de la pension pour les carrières au smic(https://www.latribune.fr/economie/france/smic-une-nouvelle-revalorisation-au-1er-janvier-est-un-scenario-peu-probable-1012588.html). L’objectif affiché par la dernière réforme d’une pension mensuelle de 1 200 euros n’apparaît pas respecté, compte tenu de la complexité du dispositif ;
  • relever et simplifier les dispositifs de pension minimale au travers du minimum contributif et de l’Aspa. Il serait logique que l’Aspa puisse être demandée dès l’âge de la retraite de 62 ans tout en la récupérant en partie lors de la succession
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