
Partager :
La Grande Rupture
Par Jean-Hervé Lorenzi et Alain Villemeur
Réconcilier Keynes et Schumpeter
L’ambition de ce livre est de répondre aux questions qui hantent aujourd’hui les démocraties occidentales. Faut-il augmenter les salaires ? Comment faire de l’innovation une source de nouveaux emplois ? Faut-il favoriser les investissements d’expansion pour lutter contre le changement climatique ? Comment éviter que la jeunesse soit une génération sacrifiée ? Faut-il parier sur la qualification des emplois ? Enfin, ne faut-il pas investir davantage dans le social et l’éducation ?
La Grande Rupture ! Ce livre va à l’encontre de l’avis de très nombreux économistes qui envisagent, avec le plus grand sérieux, la menace d’une stagnation dite séculaire, voire de la décroissance. Il défend, en effet, une opinion radicalement autre. La croissance est loin d’être morte, mais les conditions dans lesquelles elle doit se développer, de manière soutenable et inclusive, sont très différentes de celles que nous avons connues jusqu’à maintenant. Ce livre chemine ainsi de l’interminable querelle théorique autour de l’offre et de la demande à l’explosion d’inégalités devenues insupportables, écarte l’idée menaçante de la stagnation séculaire pour livrer et décrire en détail un nouveau paradigme, autrement dit un modèle inédit de croissance.
Le nouveau paradigme se fonde sur une démarche audacieuse qui est de réconcilier ces deux grands économistes que l’on oppose le plus souvent, Keynes, l’homme de la demande et du rôle de l’Etat, Schumpeter, celui de l’innovation et de l’entrepreneur. Les quatre premiers chapitres permettent de déterminer les six contraintes dans lesquelles doit s’inscrire la nouvelle croissance et de bâtir une modélisation jamais développée sur laquelle repose l’équilibre pérenne et durable entre offre, demande et ruptures technologiques.
Ce nouveau paradigme met en lumière six répartitions déterminantes pour l’avenir, celle des revenus entre profits et salaires, celle des investissements entre destructions et créations d’emplois, celle de l’épargne entre actif risqués et sûrs, celle des revenus selon les générations, celle des emplois selon les qualifications et enfin celle des dépenses selon leur caractère social ou privé. Peut-être la répartition la plus originale, mais aussi la plus lourde de conséquences, est celle entre les investissements d’expansion créateurs d’emplois et les investissements de rationalisation destructeurs d’emplois. Ces six nouvelles répartitions permettent de fonder une croissance durable et inclusive pour le XXIe siècle et de relever les défis à venir.
Elles sont aussi à même de réparer les excès passés et d’engager les sociétés sur le chemin de la croissance. Avec pour objectifs à atteindre dans les prochaines décennies : autour de 100 milliards de plus pour les salaires, pas plus de 40 % d’investissements de rationalisation destructeurs d’emplois, 50 milliards d’investissements supplémentaires annuels, en faveur du climat en particulier, soutenu par un rôle accru de l’Etat, une augmentation de l’ordre de 20% des revenus des jeunes générations, une restructuration des qualifications vers le haut pour restaurer la place de la classe moyenne et, enfin, une hausse raisonnable du poids des dépenses sociales et d’éducation.
Ces six nouvelles répartitions, indissociables, ne valent que si elles sont portées ensemble par une profonde volonté réformatrice. Elles touchent, en effet, au squelette même de nos sociétés. Le temps presse désormais. Seule une nouvelle trajectoire économique et sociale, que semble pour partie emprunter la récente politique américaine, est capable de contrer la défiance et la violence des temps, renouer avec l’espoir et sortir de ces archipels dangereux que sont devenues les sociétés avancées.