Quelle place pour le bien-être dans la croissance ?

Le 27 octobre 2020 par la Chaire TDTE

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Les sciences sociales appréhendent la question du bien-être sous différents angles. Les termes « well-being », « happiness » et « satisfaction of life » sont souvent employés de manières équivalentes mais leurs significations dépendent du contexte. Veenhoven (2009) distingue la vision des économistes, (« welfare ») et des sociologues de celle des psychologues. Selon lui, les premiers définissent le bien-être en reliant l’individu à l’environnement qui l’entoure tandis que les seconds se réfèrent aux caractéristiques intrinsèques des individus. Les économistes s’attacheraient donc davantage à expliquer ce qui amène à ressentir un sentiment de bien-être plutôt qu’à l’expliquer en tant que tel. Définir cette notion s’avère d’autant plus difficile qu’elle dépend aussi des visions, des critères et des ressentis de chacun.

Veenhoven définit le bien-être suivant trois critères : émotionnel, rétrospectif et relatif à la personnalité des individus. Tout d’abord, les sentiments qui nous animent évoluent en permanence et impactent notre manière de voir les choses. Il semble alors utile d’évaluer la part des sentiments positifs ou négatifs que l’on ressent au fil du temps. Pour cela, il suffit de collecter des données en interrogeant des personnes sur une durée et à une fréquence données et en leur demandant ce qu’elles ont ressenti à un moment donné (Experience Sampling Method (ESM) ou Day Reconstruction Method (DRM)). Ensuite, on peut s’intéresser aux traits de personnalité qui caractérisent les personnes, cela se fait aussi via des questionnaires ou des entretiens. Enfin, le bien-être d’une personne dépend du jugement qu’elle apporte sur sa vie, de si elle a atteint ses objectifs, qu’ils soient de nature financière, sentimentale, professionnelle, ou autre. Le bien-être subjectif se situe alors à la jonction de ces trois critères qui sont plus ou moins interdépendants, selon qu’on se situe sur du court terme ou du long terme.

Diener et d’autres psychologues essayent de définir le bien-être subjectif dans des articles publiés en 1984 et 1985. Eux aussi mêlent les problématiques liées aux émotions et l’importance de la rétrospection dans la définition du bien-être subjectif. Ils étudient également les principaux déterminants de ce dernier. La santé a une place centrale dans ce concept, notamment la santé perçue. Quand elle se détériore, elle affecte négativement le bien-être. L’âge, le genre, le statut marital, l’éducation (et donc la catégorie socio-professionnelle) agissent également sur le bien-être. L’effet de l’âge (par exemple « avoir 60 ans »), qui a une relation non linéaire avec ce dernier, doit être séparé de l’effet de cohorte (les mêmes individus vivent le même évènement qui va les affecter de manière identique, quel que soit leur âge). Aussi, le fait d‘appartenir à une communauté a des effets positifs.

Enfin, le revenu semble également jouer sur le bien-être mais l’effet est ambigu. D’une part, au niveau microéconomique, un supplément de revenu s’accompagne, le plus souvent, d’une amélioration du bien-être. D’autre part, au niveau macroéconomique, Easterlin montre qu’entre 1946 et 1970, le bien-être des américains est stable tandis que la richesse du pays augmente. L’enrichissement d’un pays ne mènerait donc pas automatiquement à plus de bien-être. Ce paradoxe confirme ainsi la pertinence des intuitions des psychologues adoptant une approche multidimensionnelle pour expliquer le bien-être. En supplément des facteurs individuels, l’environnement dans lequel évoluent les individus a aussi son rôle à jouer. Ils permettent à chacun de pouvoir s’épanouir librement. La place des politiques publiques s’avère alors primordiale car elles vont garantir une certaine qualité de vie et de bien-être. Comment la relation entre bien-être et croissance a-t-elle évoluée ? Comment ces changements sont pris en compte dans l’analyse économique ?

Cette revue de littérature a pour objectif d’aborder la notion de bien-être sous trois angles. La première partie se concentrera sur la fonction d’utilité qui sert de proxy dans les modèles économiques fondés sur les comportements microéconomiques (équilibre général calculable, équilibre général dynamique stochastique.). La seconde partie s’intéressera au bien-être subjectif, ce dernier est modélisé grâce à des modèles économétriques avec des données individuelles. Enfin, le bien-être sera décrit avec une vision plus globale en étudiant l’effet qu’ont des variables macroéconomiques et les institutions sur le bien-être subjectif. Cette dernière partie sera aussi l’occasion de s’interroger sur la place des politiques publiques dans les performances économiques et les conditions de vie.


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