Que peut-on attendre d'une assurance autonomie universelle dans le financement de la perte d'autonomie ?

Le 1 octobre 2020 par Xavier Chojnicki et Lionel Ragot

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L’objectif de cette étude est d’évaluer l’apport de la mise en place d’une assurance autonomie obligatoire pour répondre au problème de la perte d’autonomie des plus âgés. Cette évaluation est faite à l’aide d’un modèle macroéconomique d’équilibre général à générations imbriquées – MELETE. Le scénario central du modèle est calibré sur les dernières projections démographiques de personnes en perte d’autonomie par niveau de GIR réalisées par l’INSEE. Dans ce scénario central, on considère que l’État accompagne à 100% l’accroissement du nombre de personnes en perte d’autonomie s’agissant de la prise en charge de l’APA. Il en résulte sur les prochaines décennies un accroissement très net du reste à charge des ménages qui est beaucoup plus important dans le modèle MELETE que ce qui ressort des projections de la DREES.

Le scénario central est ensuite comparé à deux jeux de variantes qui se distinguent principalement par le degré de générosité de l’assurance autonomie et par un mode de financement spécifique.

Le premier jeu de variantes (A) est inspiré des travaux réalisés par Françoise Forette (Forette et al. (2018)). Toutes les variantes sont basées sur les mêmes éléments s’agissant du degré, relativement généreux, de prise en charge : 1275 euros pour les personnes en GIR 1-2 et 925 euros pour les personnes en GIR 3-4. Seul le mode de financement différencie les variantes. Dans la première variante, celui-ci repose sur un taux de cotisation progressif selon le revenu des ménages, le modèle supposant trois niveaux de revenus qui dépendent de trois catégories de qualifications. Cette variante est aussi caractérisée par la mise en place de réserves par l’assurance autonomie, ce qui n’est pas le cas dans les variantes suivantes où le montant des recettes est déterminé de manière à équilibrer à chaque période le budget. Dans la variante 2, le financement se fait par le biais des taux de CSG qui sont ajustés de manière homothétique pour assurer cet équilibre financier. Enfin, dans les variantes 3-a, 3-b et 3-c, le financement provient d’une cotisation purement forfaitaire. La différence entre ces trois dernières variantes réside dans l’âge à partir duquel on commence à cotiser : 20 ans pour la variante 3-a, 40 ans pour la variante 3-b et 60 ans pour la variante 3-c.

Le deuxième jeu de variante (B) est significativement moins généreux en matière de prestations versées par l’assurance autonomie : 500 euros pour les personnes en GIR 1-2 et 150 euros pour les personnes en GIR 3-4. À nouveau, seul le mode de financement différencie les variantes qui supposent dans tous les cas que l’assurance autonomie est toujours à l’équilibre. Ces scénarios de mise en place d’une assurance autonomie intègrent tous une part de financement à hauteur de 0,15 point de CSG, ce qui correspond à la seule disposition financière inscrite dans la loi instituant la 5ème branche de la sécurité sociale. Elle prévoit qu’un quart de la CSG affectée à la Cades, environ 2,3 milliards d’euros, soit transféré au financement de cette nouvelle branche dédiée à la perte d’autonomie. Bien que le niveau de générosité soit très limité dans ce jeu de variantes, ce financement programmé reste insuffisant pour couvrir l’ensemble des dépenses de l’assurance. C’est donc la nature du financement 2 complémentaire nécessaire pour assurer l’équilibre financier qui va distinguer les variantes. Celui-ci provient de nouveaux droits de succession affectés à l’assurance autonomie dans la variante_4, d’une hausse généralisée du taux de CSG dans la variante_5 ou d’une cotisation forfaitaire dont doivent s’acquitter les individus à partir de 20 ans (variante_6-a), 40 ans (variante_6-b) ou 60 ans (variante_6-c).

Pour évaluer les effets de ces différents scénarios de mise en place d’une assurance autonomie en 2020, nous commençons par une analyse microéconomique via leurs impacts sur le revenu disponible des personnes en perte d’autonomie selon leur niveau de revenu. On montre qu’un individu qui perd son autonomie (GIR 1-2) à 75 ans va connaître, en raison du reste à charge très élevé, une forte détérioration de son revenu disponible en comparaison du même individu qui est resté autonome et cela, quel que soit son niveau de revenu. Suivant son niveau de générosité, la création de cette assurance autonomie réduit plus ou moins sensiblement cette baisse et l’évite même pour les revenus les plus faibles dans le jeu de scénarios (A), le plus généreux. Pour évaluer les effets spécifiques du mode de financement, on s’intéresse à l’évolution de ce revenu disponible pour une personne qui reste autonome sur tout son cycle de vie. Celle-ci subit nécessairement une baisse de son revenu disponible puisqu’elle est uniquement affectée par le paiement des cotisations à l’assurance ; elle ne perçoit pas de prestations et n’a pas de reste à charge à assumer. Le financement par la CSG est le scénario qui dégrade le moins le revenu disponible après 60 ans, quel que soit le niveau de revenu, ce qui s’explique par des taux plus faibles sur les pensions des retraités. Aussi, comme prévu, les variantes 3-b, 3-c, 6-b et 6-c ont un impact négatif plus marqué sur le revenu disponible des individus à partir de l’âge où ils commencent à payer cette cotisation. Enfin, les effets macroéconomiques sur le PIB par tête montrent que, quelle que soit la variante, l’impact est négatif, car on met en place un prélèvement dont les ressources n’ont pas un impact direct sur la productivité, donc sur la croissance et la création de richesse. Il y a donc une perte de niveau de vie (PIB par tête) qui est d’autant plus élevée que le mode de financement est distortif. Le plus distortif est la hausse de la CSG suivie de l’instauration de la taxe progressive sur les revenus pour le jeu de variantes (A) et des droits de succession pour le jeu de variantes (B). Les moins distortives sont, sans surprise, les cotisations forfaitaires. Elles le sont encore moins quand on taxe les individus plus âgés qui rentrent dans une phase de désépargne, ce qui perturbe moins l’accumulation du capital et donc la croissance économique.


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