Les Français et le travail : le divorce ?
Le 9 mars 2023 parPartager sur
Y a-t-il un divorce entre les Français et le travail ? Un tel divorce pourrait-il expliquer les difficultés économiques et sociales françaises ?
La Chaire TDTE, depuis de nombreuses années, défend l’idée que les solutions aux difficultés économiques rencontrées par la France (soutenabilité du système de retraite, déficit public, déficit extérieur, désindustrialisation, chômage…) sont en réalité plus simples qu’il n’y paraît.
Il faut remettre au coeur des débats et des réformes la question clé du travail, notamment celle de la quantité de travail assurée par les Français et ses différentes générations. Nous montrons qu’une hausse de la quantité de travail de l’ordre de 8% d’ici 2032, avec une priorité industrielle, doit permettre de surmonter les défis économiques qui nous assaillent. Concrètement, il s’agirait d’une augmentation du nombre d’actifs qui passerait d’environ 27,4 millions à 29, 6 millions, toutes choses étant égales par ailleurs (par exemple le temps de travail annuel). Le déficit public serait alors surmonté, ce qui mettrait fin à l’endettement public croissant de la France.
La création de 2,2 millions d’emplois n’apparait nullement déraisonnable car elle est à mettre en regard des 27,4 millions d’actifs actuels et de la baisse continue du chômage ces dernières années. La société française a surement les ressorts pour atteindre un tel objectif de création d’emplois. Ces principaux résultats sont obtenus à l’aide d’une modélisation unique de la Société du Vieillissement caractérisant la société française, modélisation originale développée par la Chaire TDTE.
Ainsi, le nombre d’emplois augmenterait annuellement de 220 000, ce qui abaisserait le taux actuel de chômage de 7,1% à environ 4,5% en 2032, une situation relativement proche du plein-emploi. Un tel objectif apparait tout à fait tenable sur le long terme et la demande de travail de la part des entreprises atteste d’un marché du travail en quête de travailleurs supplémentaires dans de nombreux secteurs. Parmi ces nouveaux emplois, il est crucial d’en orienter au moins 430 000 d’ici 2032 vers l’industrie afin de réduire notablement le déficit commercial qui ne cesse de croître.
Cette hausse de la quantité de travail doit surtout concerner les jeunes, trop souvent au chômage et les seniors dont les taux d’emploi sont parmi les plus faibles d’Europe. Récemment, la Chaire a déjà remis au centre du débat sur la réforme des retraites la question des taux d’emploi en évoquant les contours d’une “Réforme des retraites réussie”. Il est démontré que la hausse de 56% à 66% du taux d’emploi des seniors de 55 ans à 64 ans permet de faire face sur le long terme au déficit du système de retraite et génère suffisamment de ressources pour d’autres besoins.
On pourrait nous opposer l’existence d’« une épidémie de flemme »1, comme le professent certains observateurs, ce qui compromettrait l’atteinte de ces objectifs. Rien n’est plus faux !
Force est de constater que les taux d’emploi des jeunes, de 20 à 24 ans ou de 25 à 29 ans sont en hausse depuis le milieu des années 2010, après une forte baisse lors des décennies précédentes. De même le taux d’emploi des seniors est en hausse depuis une dizaine d’années. Ces évolutions vont de pair avec une réduction du chômage qui s’est accélérée ces dernières années. « L’épidémie de flemme » est ainsi un mirage qu’il faut dénoncer !
S’il est faux d’affirmer qu’elle est un pays de flemme, la France n’en est pas moins traversée par une remise en question du travail, de son organisation et de ses valeurs. Les derniers chiffres du Pôle Emploi nous montrent que la difficulté d’embauche a augmenté de 13 points par rapport à 2021 et s’affiche désormais à 58% en moyenne tous secteurs confondus. Par exemple, les besoins s’élèvent à plus de 200 000 postes dans l’hôtellerie-restauration ou à plus de 85 000 chez les aides-soignants. Et même si le chômage poursuit sa baisse depuis 2015, il est toujours de 7% en France, loin de ce que l’on pourrait qualifier d’une situation de plein emploi. On voit donc qu’il y a certes une inadéquation forte entre l’offre et la demande de travail, mais elle ne justifie en rien la thèse fallacieuse d’une population active minée par la flemme.
La Chaire TDTE tentera modestement de mettre en avant tout au long de ce document l’intérêt d’une France avec davantage d’emplois et en particulier de bons emplois. Cet objectif ambitieux, à même de recréer une dynamique vertueuse, nécessitera des réformes consensuelles de grande ampleur. Tout particulièrement, l’effort doit porter sur la reconnaissance comme l’utilité du travail accompli, la rémunération, la qualité de vie au travail mais aussi sur les perspectives de carrières.