Dépenser plus dans la prévention : quels impacts économiques ?
Le 17 janvier 2019 par Thomas Barnay, Xavier Chojnicki et Lionel RagotPartager sur
En 2015, la dépense institutionnelle de prévention représente en France 1,8% de la dépense courante de santé contre environ 2,8% en moyenne dans les pays de l’OCDE. Dans ce rapport, nous évaluons les effets macroéconomiques et en termes de bien-être découlant d’un accroissement de la dépense de prévention. Pour ce faire, nous utilisons un modèle d’équilibre général calculable à générations imbriquées appliqué au cas de la France. Ce modèle a pour principale caractéristique d’offrir un cadre unifié permettant de prendre en considération l’effet simultané des dépenses de santé (préventives et curatives) sur l’espérance de vie, la productivité et le bien-être ainsi que les effets découlant du financement de ces dépenses.
Comparativement à un compte central qui maintient constant dans les prochaines décennies la part de l’effort de prévention, nous testons l’impact découlant d’un triplement de la dépense de prévention institutionnelle dès 2020 (soit l’équivalent d’une augmentation de 11,6 milliards d’euros), qui ramènerait la France au niveau du Canada qui est le pays de l’OCDE le plus vertueux en matière de dépenses de prévention. Basées sur le même accroissement de dépenses, nos variantes se distinguent par les populations concernées (ensemble de la population ou effort uniquement sur les moins de 70 ans ou surcroît de dépenses ciblé sur les 20-29 ans) et par les modalités de financement de celles-ci (accroissement de la CSG ou des cotisations sociales).
Il apparaît à travers nos simulations que, premièrement, les gains d’espérance de vie sont très contenus au regard de l’ampleur limitée du choc de dépenses et atteignent à long terme environ 0,9 mois de progression de l’espérance de vie à 20 ans. Deuxièment, les gains de productivité découlant de l’augmentation de la dépense de prévention permettent pratiquement de compenser les effets négatifs liés au financement nécessaire de ces dépenses, particulièrement dans le cas où l’effort de prévention est concentré sur les plus jeunes. Troisièmement, toutes les variantes d’accroissement de la dépense de prévention conduisent à une amélioration du bien-être intertemporel dès lors que les individus bénéficient directement de la hausse des dépenses de prévention. Les générations les plus anciennes, plus ou moins nombreuses selon les variantes et qui ne bénéficient pas de cette hausse, voient leur bien-être intertemporel se dégrader.
Il y a donc des gagnants et des perdants pour chaque politique envisagée d’augmentation des dépenses de prévention. De manière à faire émerger un choix social, l’étude confronte deux à deux les cinq alternatives (le statu quo du compte central et les 4 variantes d’accroissement des dépenses de prévention) selon un processus de vote majoritaire où les agents économiques votent en faveur de l’alternative qui leur procure le niveau le plus élevé de bien-être intertemporel après 2020 (tournoi majoritaire).
Deux résultats principaux émergent de cette analyse d’économie politique. Tout d’abord, une majorité se dégage toujours en faveur de chacune des variantes d’augmentation des dépenses de prévention envisagées par rapport à l’absence de politique (compte central). Ensuite, la variante 1, consistant en une augmentation proportionnelle de la dépense à tous les âges et à un financement par la CSG, est préférée à toutes les autres alternatives.
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